Utilisateur:Boughmiga

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Mamadou III

C’était un après midi d’une journée de fin du mois de Ramadhan, habitué au jeûne et la starvation, je longeais comme d’habitude une côte rocailleuse et difficile, à récolter ça et là des bouteilles ou d’autres objets rejetés par la mer. A cause de ma capacité de transport, je ne ramassais pas tout, et me limitais à mon caprice sur les formes, la couleur, l’origine, ou la possibilité de recyclage utilitaire ou artistique. Avec le temps, je me suis familiarisé avec les marques et les différends jeux de tombola et loto sur les bouchons des bouteilles, et participe ainsi avec les Italiens, Maltais, Turc, Français, Yougo…leurs faux espoirs. D’ailleurs, plusieurs nouvelles marques et sous produits, me parviennent par la mer, au moins une année, avant leur arrivée sur les stores des super marchés (que je n’entre jamais) de Zarzis. Je reçois aussi de temps à autres des messages dans des bouteilles à la mer avec de différends appels et vœux, mais, vu ma sensibilité et ma communication totale avec tout ce qui m’entoure, je vois et lis des messages dans tout ce qui vient de la mer et tombe sous ma main. Ce jour là, je n’étais pas pressé, mon grand sac postal grossissait progressivement sur mon dos, une caisse vide en plastique dans la main et une grosse corde attachée à ma taille trainait derrière moi. Avec le poids, je me déplaçais difficilement dans mes sandales dont les clous piquaient mes pieds, poussés par les rochers, mais heureusement, habitué à la douleur et la souffrance, ces indispositions physiques ne me dérangent pas et passent souvent inaperçues. Pourtant, la douleur était incontournable, intense et très douloureuse, lorsque j’ai trouvé mon nouvel ami Mamadou III, sur une plateforme rocheuse, déposé par les vagues de la dernière tempête. Sa tête scalpé jusqu’à l’os brillait par sa blancheur et par le contraste avec les algues noires déposées tout au tour de ce qui restait de son corps. Il ne restait plus grand-chose de mon ami, juste quelques muscles du buste et d’autres plus développés sur la cuisse gauche. Les membres disloqués sous sa carcasse, tenaient par quelques tendons résistants aux mouvements des vagues et les frottements sur les rochers. Encore, comme chaque fois que ça m’arrive, mon âme est traversée de bout en bout par la colère et l’impuissance, devant cette iniquité, ce génocide des pauvres, qui acculés par la nature ou la conjoncture, ont sacrifié leur vie, pour une traversée incertaine vers le Nord promis, le Nord interdit, le Nord maudit. Ces pauvres qui, au lieu de se révolter, de s’insurger, de s’imploser en camicases, … ont préféré se déconstruire en silence, sans nuire, sur les dunes du Sahara ou entre les vagues de la Méditerranée ou Gibraltar. Chaque fois, je restais planté devant mon ami, figé par le désarroi et la colère, ne sachant ni pleuré, ni crier ma rage, … impuissant, castré par le néo capitalisme sauvage, meurtris par la partialité des chances et des droits à la vie. En rentrant, j’ai hésité à informer la protection civile de l’infortune de mon nouvel ami et l’endroit de son échouage, et après mure réflexion, je me suis abstenu de le faire, car, dans cet endroit Mamadou III ne risque rien et peut attendre quelques jours. Que notre ami passe la fête de l’Aïd El Fitr, avec nous, parmi nous, dans ce bel endroit, et que les agents de la protection civile, véritables guerriers de l’humain, passent la fête sans amertume et désagrément. Ces agents qui sont souvent submergés par le nombre de cadavres de « Harraga » échouant sur les plages de la ville et sa région, au point de ne pas répondre à mes signalements de morceaux de squelettes que je trouve quelques fois, ce qui m’oblige à les enterrer moi-même, avec un grand respect, dans mon cimetière secret sur une belle petite colline au bord de la mer. Ainsi, nous passâmes tous, la fête, sans pouvoir oublier cette angoisse qui travaille les entrailles et la conscience et la Protection civile, fit bien son travail, et mon ami Mamadou III, eut droit au respect et la dignité, et se repose enfin, auprès de ses frères Zarzissiens. Lihidheb mohsen Eco artiste 4170 Zarzis 03.11.08



Nos 42 heures de vacances

                   A vrai dire, Boughmiga le néanderthalien, n’avait pas besoin de vacances, tant qu’il passe ses journées à surfer entre son travail, le nettoyage des plages, le jeu d’échec, l’internet, l’activité sociale et associative, les installations artistiques, les visites aux écoles, l’entretien de son espace eco artistique, les dérives journalières derrière les « happenings »… , mais tout de même il faut bien changer d’horizon et surtout permettre à Madame Boughmiga (hammalatou il hatabi) d’échapper à son pénible cycle quotidien  entre la cuisine, le travail et le dictat social.  Que faire ? Où aller ? Avec quels moyens ?...  Ah voilà, nous avons quelqu’un dans le nord qui nous invite pour son mariage, un jeune que j’ai connu à travers une bouteille à la mer trouvée sur les plages de Zarzis. En avant toute, de l’essence bon marché a été acheté de Bengardane et à quatre heure du matin, Madame Boughmiga et moi, entre priment notre ruée sur le nord.  Il faisait encore agréable entre Souihel, El bled, El Hchem, Khalfallah, Ghrabatt, Souitir, Hassi amor,  et à partir de Medenine, Metameur, Mareth, Gabés,  la chaleur matinale était assez forte.  La nouvelle autoroute Sfax-Sousse était encore gratuite et nous pûment escalader facilement le fameux Nord, où à chaque fois, je salive comme un mouton quand je vois la verdure et comment la nature s’offre consentante à l’homme.  Arrivés au village avant midi, nous avons eu droit à une réception acceptable,  dans un Nord où la chaleur humaine manque visiblement et tout de suite juste après les salamalecs, sans invitation au repos,  nous avons été réquisitionnés pour faire des  courses et navettes interminables entre les villes du cap bon, à l’affut des couturières, des habilleuses, des coiffeurs, des musiciens, des pâtissiers… J’ai dû alors convertir ma fatigue et ma colère en énergie et roula comme un bolide entre les sillons de tomates écrasés sur les routes. Il faisait très chaud et après la visite de quelques vestiges et vues panoramiques, nous essayâmes une sieste dans la maison du voisin du marié, dans laquelle j’ai eu du mal à respirer à cause de la chaleur et surtout à cause de l’odeur de peinture fraiche sur le mobilier. Ne pouvant dormir, j’ai récupéré ma compagne et demandâmes la direction de la mer où juste en face des Îles Zembra, j’ai fait une baignade mémorable sous le regard scandalisé et réprobateur de Madame Boughmiga. Il n y avait personne et seul un jeune garçon attendait pendant des heures, le camion frigorifique pour vendre ces quelques poulpes qui s’assèchent à vue d’œil sous le souffle du Sirocco. 
                  Comme dans presque touts les villages du Nord, un ou deux proprios réglaient la vie économique et sociale et exploitent la production locale faisant de la population ouvrière industrielle ou agricole sous leur tutelle, des sujets, à la merci de leurs caprices ou leur générosité féodale et néo féodale.  Mais comme Boughmiga ne fouine pas pendant les vacances, même aussi  courtes, j’ai passé au dessus des énormités sociales, écologiques et politiciennes. Le soir, dans la maison des fêtes, il y avait beaucoup de monde, les mariés étaient rayonnants et l’orchestre engageante et Boughmiga, eu beau joué des airs et attitudes en fonction des situations, une fois dur, une fois transparent, une fois au sourire distrait, une fois absent, mais ça n’a pas mordu et quelques fois un jeune bourré et provocateur venait danser devant lui volontairement. Normalement, le néanderthalien, riposte aux provocations confirmées, mais il du tempéré afin de ne pas foutre la pagaille pendant le mariage de cet ami de la providence. Je savais bien que les gens du village se connaissent et restent fondamentalement très solidaires et je ne peux être dans certaines situations que le faible maillon et le mouton noir. Donc il a fallu que je surfe sur plusieurs attitudes pour échapper à la confrontation tout en restant sur l’arène. Car aussitôt, tout dégringola et les gens  fuirent l’endroit, à pieds et en voitures et seule ma bagnole resta pour enlever les mariés et les transporter dans leur maison de noce. Ce que j’ai fait avec une grande assurance et courage sans répondre aux menaces et gesticulations gravissimes, au point que j’ai oublié de klaxonner et une fille au pas de sa maison me rappela ce devoir d’accomplissement. 
                   En revenant à la maison du mariage, l’effervescence était encore à son paroxime et je dus éviter les barrages des excités menaçants avec des barres de fer et de grosses pierres et le frère du marié me demanda d’aller faire un tour en attendant que ça se calme. Je suis alors sortis du village à l’aveuglette comptant sur mon sens de l’orientation, mais après trente minutes de conduite j’ai perdu le chemin du retour et demanda à des ouvriers  sur un tracteur agricole, qui tout en me prévenant des dangers terroristes de cette région de Soliman, m’avaient indiqué le chemin.  Grace au portable, j’ai organisé  « l’enlèvement » de ma femme du village et malgré les supplications des parents pour passer la nuit, nous partîmes afin d’éviter des risques à tout le monde et garder notre sentiment du devoir accompli.
                   Ouf, enfin, sans le vouloir, notre voiture se dirigea plein sud  et malgré les reproches taquineurs de ma femme de l’avoir laissé au village et partit, nous roulâmes avec un sentiment de plénitude et de quiétude et surtout sans regrets et sans rancunes. Vers deux heures et demi du matin, nous entrâmes le boulevard  de Hammamet-Sud, sous les lumières, les pétarades des motos et des voitures chromés. Bien sur l’idée de prendre une chambre d’hôtel n’était pas envisageable ni dans nos habitudes ni dans notre imaginaire et garâmes la voiture au bord du trottoir à voir et écouter les déboires d’une population de jeunes festoyeurs, fils à papa et riches en mal de société. Des groupes de jeunes filles sur des tricycles ou en voitures décapotables, occupaient la corniche avec leurs chants bruyants et leurs excès d’hormones et d’adrénaline.  Malgré notre « esprit large » et notre maturité citoyenne d’ouverture et de tolérance à la Tunisienne, nous nous regardions de temps à autres, en signe de protestation, en nous enfonçant encore plus dans nos sièges de la voiture, scandalisés par ce dévergondage indigne de nos valeurs et notre éthique arabo-musulmane.
                   Personnellement, le levé du soleil, sur la route côtière du Sahel, m’a beaucoup animé et revigoré, et j’ai eu même l’appel de quelques endroits pour installer des assemblages artistiques dans la mer comme j’en ai fait sur la route de Zarzis-Bengardane. A un moment on s’est trouvé dans le souk de Ksar Hellal, cette ville  fameuse pour son histoire politique et surtout pour son artisanat et son patrimoine manufacturier, mais, j’étais très déçu en trouvant uniquement des produits plastiques provenant de la Lybie et même la pastèque et le cactus que j’avais acheté n’étaient pas comestibles. Toutefois, une petite ancre me plu et l’acheta pour le musée mémoire de la mer Zarzis. 
                   Aux abords de Mahdia, une indication marquait une plage aménagée et nous y passâmes de très bons moments à nager, dormir sur le sable fin ou déguster les sandwiches et les glaces. C’était un endroit merveilleux où la mer était des plus belles et l’ambiance agréable.
                   Au milieu de l’après midi, nous réprimes le chemin du retour, en arrêtant la voiture chaque fois que je sens le besoin d’une petite sieste et sous la surveillance de ma femme, je fais coup de barre avec des ronflements de félin satisfait.
                  Avant d’entrer à Zarzis et afin de prévenir les éventuelles critiques de ma femme au sujet de ces vacances-tourbillon, je l’ai invité à un copieux diner à Neffatia où la viande à la jarre était délicieuse malgré le prix un peu au dessus de nos moyens.
                   Il y a maintenant un an de ce voyage, et nous ne parlâmes à personne de nos déboires dans le village, notre désarrois à Hammamet, notre déception à Ksar Hellal et notre vagabondage sur les routes. Entre temps l’heureux marié nous a souvent téléphoné pour nous remercié du coup de main et une autre fois pour nous annoncer la naissance d’un bébé. Je compte revenir une autre fois au village, pour me réconcilier affectivement, avec des gens que j’ai aimé malgré tout car La bêtise est humaine mais l’homme n’est pas toujours bête.
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                                                                                                                                                 4170 Zarzis 06.08.2009
                                                                                                                                                 www.seamemory.org