Un autre horizon

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Un autre horizon
Fichier:VERSOHORIZON.jpg
Titre original Un autre horizon
Réalisation Gérard Leblanc et Catherine Guéneau
Société de production Médias Création Recherche
FRAB Champagne-Ardenne
Genre Documentaire
Durée 73min
Sortie 2010
Langue(s) originale(s) français
Pays d’origine France


Un autre horizon est un film documentaire réalisé en 2010 par Catherine Guéneau et Gérard Leblanc.

« Il faut pouvoir puiser à la fois dans le ciel et dans la terre ». L’autre horizon, c’est d’abord celui de la terre, d’une terre vivante qu’il faut (ré) apprendre à connaître pour mieux interagir avec elle tout en la préservant. L’autre horizon, c’est aussi la voie tracée aujourd’hui par les producteurs en agriculture biologique.

Le film se construit en prenant appui sur les expériences de céréaliers (Jean-Pierre et Guillaume Cathelat), maraîcher (Xavier Deleau), viticulteurs (Jean-Pierre et Jean-Sébastien Fleury, Alain Réaut, Érick Schreiber), éleveur (Jean-Michel Camus) qui vivent et travaillent en Champagne Ardenne. Il évoque les problématiques fondamentales de la fertilisation des sols et de la protection des cultures en faisant également appel à des chercheurs tels que Lydia et Claude Bourguignon ou Éric Petiot.

Ainsi se dégage une nouvelle figure de paysan, celle de paysan-chercheur. L’agriculture biologique exige en effet une haute technicité en harmonie avec les lois de la nature. Un autre horizon entrecroise des pratiques et des réflexions à la mesure d’enjeux aussi bien locaux que planétaires.

La démarche[modifier]

Pour organiser le film, les réalisateurs voulaient partir des questions posées à la recherche – en agriculture biologique et en biodynamie – par les producteurs eux-mêmes. Des questions auxquelles ils apportent des éléments de réponse sur le terrain (d’où la figure du paysan-chercheur) en liaison avec des chercheurs de profession, souvent en rupture institutionnelle (rupture qu’ils n’ont pas cherchée, mais qui leur fut imposée par les orientations institutionnelles de la recherche). Les réalisateurs voullaient montrer que la recherche part du terrain et y retourne. Il n’existe pas de séparation, la production et l’expérimentation ont partie liée.

Le problème des cinéastes était de trouver une forme de montage qui soit susceptible de matérialiser cette unité entre le terrain et la recherche. Il s’agissait par conséquent de partir de situations concrètes (toute parole filmée problématiserait des questions rencontrées sur le terrain) et d’éliminer toute voix off de surplomb comme de liaison. Les réalisateurs voullaient pouvoir passer d’un type d’agriculture à un autre, de l’agriculture à la viticulture en rendant sensible et intelligible le fait que les problèmes qui s’y posent en matière de fertilisation des sols et de protection des cultures y sont à la fois différents et identiques. Le film témoignerait de rencontres déjà effectives et, par son montage, en créerait de nouvelles.

Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que le développement de l’agriculture biologique conditionne le devenir de l’humanité. En ce sens, il s’agit bien d’un enjeu vital. Nous sommes moins nombreux à penser – et c’est aussi cela que nous avons voulu rendre sensible et intelligible dans et par le film – que le développement de l’agriculture biologique conditionne également le déploiement d’une forme de pensée qui résonne avec la nature et qui correspond à ses lois : la pensée dialectique, issue de la dialectique de la nature.

Fichier:Mains1.jpg Car la nature est dialectique. Si, comme le disent les Bourguignon (Lydia et Claude) la forêt est le modèle naturel pour l’agriculture, elle constitue aussi un modèle naturel pour la pensée. Pendant des millions d’années, et sans aucune intervention humaine, elle n’a cessé de résoudre les contradictions qui conditionnaient son développement.

L’Homme ne doit pas se substituer à la nature, souligne l’éthologue Éric Petiot. Il doit s’efforcer de trouver les moyens, prélevés eux aussi dans la nature, de stimuler les défenses immunitaires des plantes et de favoriser leur croissance. Il faut adapter le modèle naturel de la forêt à l’artificialité des modèles de l’agriculture et de la viticulture, élaborés pour répondre aux besoins alimentaires et gustatifs de l’homme, moins souvent reconnus dans des sociétés de classes où la reproduction des conditions matérielles d’existence l’a toujours emporté sur le plaisir de vivre et, par conséquent, entre autres de goûter.

On ne trouvera pas, dans le film, de grandes envolées lyriques ni de discours indignés. Mais on y entendra le discours qui nous semble le plus subversif : celui de la pensée dialectique comme expression consciente de la dialectique de la nature. Les réalisateurs ont choisi de conclure la chaîne des paroles qui se questionnent et se répondent tout au long du film par cette déclaration de Lydia Bourguignon : l’homme n’utilise la nature qu’à un pourcentage infime de ses possibilités et capacités. Il est très loin de tout en connaître. Au lieu de faire comme s’il n’avait plus rien à en apprendre et pouvait dès lors se substituer à elle (les OGM sont ici en ligne de mire), il pourrait et devrait, s’il n’était pas mû par des intérêts de profit immédiat, expérimenter de nouveaux croisements et de nouvelles hybridations entre plantes et entre animaux.

Fichier:Terre1.jpg Non, l’Homme est loin de tout connaître de la nature ce qui ne signifie pas, à l’inverse, qu’il n’en sache rien. C’est en travaillant avec elle qu’il apprend à la connaître de mieux en mieux. Parfois, il constate des phénomènes qu’il ne parvient pas à expliquer. Alain Réaut constate, encore une fois sur le terrain, que les préparations qu’il utilise produisent un compost de meilleure qualité, mais il est incapable, pour le moment, d’expliquer pourquoi tout en cherchant à en comprendre les raisons. Ainsi avance la recherche, d’observations empiriques en hypothèses à vérifier.

« Pour être chercheur, il faut être curieux », remarque le maraîcher Xavier Deleau. Cette curiosité est partagée par tous les intervenants du film. Et Jean-Pierre Fleury, un des pionniers de la biodynamie pour les vins de Champagne, souligne la conjonction entre son intérêt pour l’astronomie et sa passion pour la biodynamie. Il n’est nul besoin de sombrer dans un mysticisme abscons pour reconnaître l’influence des astres sur le développement des cultures.

Jean-Pierre Cathelat, céréalier, ne manque pas lui non plus de curiosité. Le voici au milieu de son champ de blé. Aujourd’hui est un grand jour, car il vient d’y faire une découverte. Les chardons, dont « il faut accepter qu’ils passent au-dessus du blé », sont à l’agonie sans qu’il ait eu à recourir au moindre produit chimique pour les éradiquer. La découverte ? « Les chardons sont nos ennemis, mais ils ont des ennemis aussi ». Il s’agit en l’occurrence d’une chenille qui ne s’attaque qu’à eux et dédaigne les blés. L’observation de la nature conduit à en découvrir la dialectique et à penser dialectiquement.

Et cette leçon tirée du terrain : « On apprend autant d’une parcelle qu’on a mal réussie que d’une parcelle qu’on a bien réussie ». Erreurs et échecs font partie de la recherche, ils aident eux aussi à avancer pourvu qu’on en tire les enseignements. « On va s’apprendre au fil du temps ». On « s’apprendra » d’autant plus vite et d’autant mieux que s’instaurera une dynamique collective de recherche entre producteurs associés. Ce que démontre l’exemple des viticulteurs Jean-Pierre Fleury, Alain Réaut et Érick Schreiber qui travaillent ensemble et échangent leurs expériences depuis tant d’années.

Ainsi, agriculture biologique et pensée dialectique ont-elles partie liée. Elles s’opposent à tous les schémas manichéens, issus des intérêts de l’industrie chimique, qui voudraient constituer la nature en ennemie de l’homme.

Dans un film produit en 1978 (Avenirs, réalisé par Ada Rémy), l’ex-groupe Rhône-Poulenc s’était appuyé sur de tels schémas pour mieux vendre ses fongicides, pesticides et autres insecticides. Il n’était pas question, par exemple, de diviser les insectes en « amis » et en « ennemis », capables aussi de lutter entre eux, directement ou indirectement à travers la chaîne alimentaire. Il fallait les éliminer tous autant qu’ils étaient. Seulement, voilà : ils résistaient toujours davantage aux produits chimiques qui étaient supposés pouvoir les détruire. Que faire ? La réponse se trouvait dans les intérêts à court terme de l’ex-groupe Rhône-Poulenc : il fallait mettre au point des produits toujours plus puissants dans l’espoir qu’un jour, après combien de générations de produits, aucun insecte ne survivrait. On n’oubliait qu’une chose, une paille : traiter la nature en ennemie, c’est traiter l’homme en ennemi et aboutir en fin de compte à son élimination[1].

Les enjeux de l’agriculture biologique se situent donc aussi au niveau de la pensée, une pensée qui vise à transformer la nature à partir de la connaissance de ses lois.

Références[modifier]

  1. Quand l’entreprise fait son cinéma, PUV - Cinéthique, 1983)

Voir aussi[modifier]

Liens internes[modifier]

Liens externes[modifier]


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