Limites des énergies renouvelables

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Au vu des technologies connues, il serait impossible pour la quasi-totalité des pays industrialisés, avec leur consommation actuelle, d'avoir une production énergétique uniquement ou même essentiellement issue des énergies renouvelables. En effet, celles-ci connaissent des problèmes qui demeurent aujourd'hui insolubles, liés à leur rareté ou à l'incapacité de stocker de grandes quantités d'énergie pour un coût économique et écologique raisonnable.

Aléas de la production

Ce problème concerne principalement l'énergie éolienne mais aussi l'énergie solaire (photovoltaïque ou thermique). En effet, celles-ci produisent de l'énergie lorsqu'il y a du vent ou du soleil. A contrario, les consommateurs réclament une énergie disponible à tout moment. En l'absence de moyen de stockage à large échelle et efficace de l'énergie, il y a donc une incompatibilité qui ne peut être résolue. C'est là une différence fondamentale par rapport aux énergies traditionnelles "actives" qui, toutes, fonctionnent sur demande.


Intermittence

Fichier:Consommation électrique hivernale en PACA.gif
Consommation hivernale quotidienne moyenne sur 24h en PACA

Les pics de consommation sont atteints, en France, en hiver et plus précisément aux alentours de 20h (comme illustré par le graphique ci-contre)[1]. Durant cette saison, les panneaux solaires produisent durant moins de dix heures par jour et sous un ensoleillement réduit. A défaut de pouvoir stocker l'énergie produite durant la journée, l'énergie solaire ne peut que faire office de doublon puisque elle ne produit strictement rien lors des pics de consommation. Elle compte donc comme nulle par rapport à la capacité totale de production nécessaire à tout moment.

Un problème similaire se retrouve avec l'énergie éolienne : il arrive régulièrement que, certaines journées, la production éolienne soit très faible et ce même sur une très large étendue géographique (voir graphique de la section ci-dessous). En conséquence, il faudrait diviser par au moins dix la capacité de production éolienne installée pour obtenir la capacité de production dont nous serions quasiment certains de pouvoir disposer à chaque instant.


Variabilité

Fichier:Variabilité de l'énergie éolienne.jpg
Simulation de la production éolienne en décembre en Europe

Un autre problème est celui de la variabilité. Puisque le stockage est difficile, il faut donc pouvoir pallier aux déficits de production par une production complémentaire. Mais la variabilité de ces énergies renouvelables est très rapide, même en atténuant le problème en interconnectant des installations sur de larges étendues géographiques[2]. Or, toutes les productions "actives" ne peuvent satisfaire cette variabilité. Ainsi, les réacteurs nucléaires sont incapables de démarrer aussi rapidement et ce sont aujourd'hui les centrales fossiles qui doivent prendre le relai.


L'impasse du stockage

En une nuit d'hiver, la France consomme plusieurs centaines de GWh. Soit plusieurs centaines de millions de kWh. Or, les batteries ont un coût s'échelonnant entre 1$ par kWh (batteries au plomb) et 1200$ par kWh (batteries au Lithium) [3] avec des caractéristiques - vitesse de charge et décharge, encombrement, etc - diverses. Elles sont presque toujours polluantes, souvent même très polluantes, et beaucoup font appel à des matériaux rares. Aucune à ce jour n'offre de solution réaliste pour résoudre le problème du stockage. Les piles à hydrogène, jugées comme les plus prometteuses pour l'avenir, utilisent du platine, dont les réserves connues ne sont que de quelques milliers de tonnes - environ deux grammes par être humain.


D'autres solutions, plus naturelles, existent. Par exemple la compression d'air, le pompage d'eau (on dépense de l'énergie pour élever l'eau dans un réservoir puis on la récupère en laissant chuter le liquide sur une turbine - comme dans un barrage) ou le chauffage d'un liquide (qui, en se refroidissant, rayonnera de l'énergie que l'on pourra récupérer). Là encore, ces solutions ont leurs limites. Il faut ainsi plus 36 mètres cubes d'eau élevés à dix mètres de hauteur pour stocker un kilowatts heure. Pour une nuit d'hiver française, c'est plus d'une centaine de fois le débit quotidien de la Loire qui serait nécessaire.


Production complémentaire

Si le stockage n'est pas une option réaliste, nous avons vu qu'il faut donc produire par un autre biais, pour compenser les baisses de production de l'éolien ou du solaire. La variabilité de ces énergies renouvelables étant trop rapide pour les centrales nucléaires, ce sont des centrales à fossiles qui sont aujourd'hui utilisées et la multiplication des énergies renouvelables devrait ainsi conduire, en France, à une hausse des énergies fossiles utilisées pour la production électrique.


Serait-il possible d'utiliser des énergies renouvelables pour compenser les baisses de production ? Malheureusement, puisque l'on ne peut compter sur les productions passives (qui produisent lorsqu'il y a du vent ou du soleil), il ne reste que les productions actives (à la demande). Mais si l'on dispose de telles énergies, il est plus intéressant de les utiliser aussi souvent que possible et donc de fonctionner, autant que faire se peut, à la limite des capacités de production. Il n'y aurait donc pas de réserves disponibles pour pallier aux baisses de production du solaire ou de l'éolien.


Conséquences économiques

La principale conséquence est que l'éolien et le solaire ne remplacent pas les centrales traditionnelles. Ces énergies renouvelables se contentent le plus souvent de s'ajouter au parc énergétique existant. Il en résulte donc un surcoût important puisqu'il faut, en substance, doubler les coûts d'investissement et de maintenance, ce qui renchérit d'autant le coût au kWh des énergies renouvelables (les coûts affichés ici ou là ne prenant pas en compte ces surcoûts).

Cela pose aussi des questions sur les possibles mélanges des sources de production d'énergie. Si un pays comme les États-Unis, dont la production électrique est essentiellement d'origine fossile, peut aisément réduire ses émissions de carbone par kWh en doublant celles-ci avec des énergies renouvelables (on éteint les centrales fossiles en présence de soleil ou de vent), au prix toutefois d'une importante augmentation du coût de l'énergie, le problème est différent pour la France qui, avec le nucléaire, n'a recours aux énergies fossiles que pour un dixième de sa production. Pour notre pays, le résultat attendu est celui d'une hausse des émissions de carbone par kWh, ainsi que des tarifs de l'électricité. Le seul bénéfice sera donc celui d'un usage moindre des réacteurs nucléaires. Soit moins de combustible, moins de déchets et, peut-être, moins de risques.


Alternatives possibles

Une première alternative serait d'accepter que certains équipements ne fonctionnent que par moments. La chauffage, par exemple, pourrait n'être allumé que par intermittence. Cela pose toutefois des problèmes sociologiques (changement de mentalité), d'équipements (nous devrions pouvoir être avertis, établir des priorités parmi nos appareils électriques) et d'efficacité (un appareil de chauffage consomme moins s'il fonctionne en continu plutôt que par bouffées courtes et intenses). Enfin, si l'on peut imaginer se priver de certains appareils pendant une heure, il en va autrement s'il s'agit de trois jours.


Une autre alternative serait l'interconnexion à un niveau mondial des réseaux électrique : lorsqu'une moitié de la planète est dans le noir, l'autre moitié reçoit les rayonnements du Soleil. Ce bénéfice se retrouve également avec l'énergie éolienne, quoique peut-être dans une moindre mesure. Toutefois, cela ne va pas sans poser de problèmes politiques et de sécurité : sachant qu'une poignée de défaillances dans le réseau européen ont pu entraîner des extinctions générales, ces problèmes de réseau peuvent-ils être circonvenus et à quel prix ? Car en-dehors de l'Occident il y a encore trop peu de pays à pouvoir garantir la stabilité, la sécurité et le professionnalisme nécessaires à une telle interconnexion. D'un autre côté, nous dépendons déjà de pays instables pour nos approvisionnements en pétrole.


Rareté des énergies renouvelables

Énergie hydraulique

De toutes les énergies renouvelables, l'énergie hydraulique en est sans doute la championne. Même si elle n'est pas sans poser de problèmes (inondation de vallées par exemple, bouleversement des écosystèmes), elle reste parmi les plus propres, les plus économiques, et peut essentiellement être extraite à la demande (mêmes s'il existe sans doute des cycles saisonniers). Malheureusement, les capacités de production que l'on peut en tirer dépendent de la géographie : débits des fleuves, reliefs, etc. En France, on estime déjà exploiter 90% de notre potentiel alors même que l'hydraulique ne pèse que pour moins d'un dixième dans la production électrique.


Combustion de biomasse

Un hectare de forêt produit, en brûlant, dans le meilleur des cas, 60MWh. La consommation électrique annuelle française est de 550 TWh (T = tera = mille milliards). Il faudrait donc, chaque année, brûler une surface forestière équivalent à 50% à 100% du territoire français [4]. Et il est bien évident que les forêts ne repoussent pas en un an. Par ailleurs, plus l'on exploite les territoires forestiers, plus jeunes les arbres doivent être coupés, plus leur taille moyenne est faible et moins l'on stocke de carbone par hectare de forêt. A trop exploiter la biomasse, cette production n'est donc plus que partiellement renouvelable et devient émettrice nette de gaz à effet de serre.


Géothermie

La géothermie et son exploitation à large échelle sont encore relativement mal connues. Toutefois, il est raisonnable de penser que, là aussi, il existe une limite à la chaleur que l'on pourra extraire à l'hectare du sous-sol : flux de chaleur disponible, diminution du rendement lorsque l'exploitation est intensifiée, problèmes géologiques, etc.


Biocarburants

Les problèmes des biocarburants sont désormais connus et, bien que les avis soient partagés, plusieurs acteurs institutionnels estiment que la production de ces biocarburants se ferait au détriment des surfaces consacrées à la production alimentaire, avec pour possibles conséquences des pénuries et hausses de prix, et pousserait en pratique vers la déforestation. Qui plus est, lorsque l'exploitation s'intensifie, on retrouve les problèmes mentionnés pour la combustion de biomasse.


Passage d'un modèle centralisé à un modèle distribué

Le réseau électrique actuel est bâti pour acheminer l'électricité depuis quelques importants centres de production vers de nombreux consommateurs. Le passage à un modèle avec un grands nombre de producteurs n'est pas anodin, tant en termes de coûts que de faisabilité.


Par ailleurs, si un tel modèle séduit, il n'est pas toujours pertinent ou motivé par des raisons écologiques. En effet, bien que le modèle de zones (habitats, villes, régions) écologiquement et fonctionellement autonomes (zéro déchets, zéro énergie, etc) s'appuie sur un raisonnement valable (la réduction des transports, des infrastructures nécessaires, etc) et facilite le raisonnement et la communication, il ne faut pas non plus négliger que la centralisation s'accompagne en général d'une plus grande efficacité et que les solutions locales existantes sont loin d'être sans problèmes et pas toujours dénuées d'externalités (face aux panneaux solaires individuels, subventionnés par des réductions d'impôts, il incombe à EDF de racheter cette électricité sans facturer le coût de la variabilité et de mettre en place les installations redondantes nécessaires pour pallier aux déficits de production).

Enfin, si cette logique séduit avant tout les citoyens, c'est hélas souvent au nom de la notion d'autonomie (motivée par un délitement des relations de proximité ou de la notion de collectif) ou dans l'espoir d'être un consommateur avisé (qui n'a jamais entendu quelqu'un se vanter de revendre son électricité à EDF ?).
  1. RTE - Courbes de consommation
  2. TradeWind - Projet public européen implémenté par des acteurs de l'éolien.
  3. Battery university (site de Cadex Electronics, fabriquant de batteries)
  4. Jean-Marc Jancovici