Discussion:Taoïsme

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Le Yiking (ou Yijing en pinyin) et les ouvrages sur la guerre de Sunzi (tous deux mentionnés dans la bibliographie) font partie de la pensée chinoise, mais ne sont pas à proprement parler taoïstes. --GingkoBiloba 13 avril 2010 à 10:17 (CEST)

Philosophie & sagesse[modifier]

J'ai supprimé ce passage de la page taoïsme: « Les gens font à tort l'amalgame, et parle de philosophie. Or la philosophie est typiquement européocentrique, puisque la philosophie un courant de penser bien spécifique né en Grèce et qui s'est développé principalement dans le monde méditerranéen. Il est impératif de différencier sagesse et philosophie, qui sont 2 manières de penser totalement différentes. L'un est tourmenté, sans cesse à la recherche de la vérité, alors que le second est beaucoup plus calme, à la recherche de la vertu. » et j'y ai mis un autre texte à la place. Il me semble approprié de m'en justifier ici dans cette page de discussion. En fait, cette vision où la philosophie serait exclusivement occidentale, née uniquement à Athènes et nulle part ailleurs dans le monde et l'univers est une vision européanocentriste qui dénote toute le condescendance coloniale de l'Europe triomphante du XIXe siècle sur les peuples barbares peu ou pas civilisés. Cette vision est typique de Hegel et de Heidegger (et de Marcel Granet en ce qui concerne les études chinoises au début du XXe siècle)[1].

Mais c'est une vision fausse. Les Chinois comme les Indiens ont développé toute une réflexion philosophique qui tend vers la recherche de la vérité et la recherche de la sagesse (philosophie étymologiquement signifie « amour de la sagesse »); et cette réflexion n'est pas nécessairement moins tendue qu'en Occident: les débats et les controverses ont étés vifs tant en Chine qu'en Inde. En Chine, les débats se situaient entre confucéens, taoïstes et d'autres courants moins connus en Occident comme les légistes et les moïstes. En Inde, les débats confrontaient bouddhistes, jaïns et hindouistes (et une multitudes d'autres écoles comme les charvaka, matérialistes indiens). Certes, le taoïsme comme le bouddhisme tendent vers une certaine quiétude d'esprit, un lâcher-prise et l'apaisement des tensions et des pensions, ainsi qu'un idéal de sagesse; mais il n'en va pas autrement des sceptiques et des épicuriens en Occident qui parlaient d'ataraxie (absence de troubles). Et les philosophies gréco-romaines ont toutes eu aussi cette idéal du sage et de la sagesse.

Faire une distinction entre philosophie et sagesse pour parler du taoïsme (ou des autres courants orientaux) est tout simplement méprisant. Cela revient à dire implicitement que les Chinois ne savent pas se remettre en question et interroger leurs croyances et leurs convictions. Certes, les Chinois comme les Indiens n'ont pas les mêmes catégories qu'en Occident: les frontières entre philosophie, spiritualités et religion sont beaucoup plus floues qu'en Occident. Les mots chinois pour philosophie et religion datent seulement du XIXe siècle sous l'influence de l'Occident [2]! Néanmoins, il y a de facto une philosophie à l'œuvre en Chine, même si l'on appelle plutôt « Voie » (dao 道) ou « Loi » (fa 法)! De toute manière, le mot « philosophie » recouvre en Occident toutes sortes de conceptions qui ne s'accordent pas nécessairement entre elles. Ainsi, la philosophie durant l'Antiquité ne signifie pas la même chose que dans la pensée contemporaine. Durant l'Antiquité, il s'agit plutôt d'une manière de se former soi-même, de se transformer au travers d'exercices spirituels tandis qu'il s'agit aujourd'hui d'un discours savant sur le monde, Dieu, la science ou la politique [3].

Donc en conclusion, la philosophie chinoise est certes différente de la philosophie occidentale, mais cela tient plus aux différentes interactions entre les penseurs chinois (taoïstes, confucéens, moïstes, légistes, et puis bouddhistes) qui ont forgé une histoire de la philosophie chinoises au cours des siècles de la même manière que les platoniciens, les aristotéliciens, les épicuriens, les stoïciens, les chrétiens, et tant d'autres en Europe ont interagi pour forger l'histoire de la philosophie occidentale. Il en découle une ambiance et un parfum particulier de la pensée chinoise. Comme le dit Anne Cheng: « L'absence de théorisation à la façon grecque ou scolastique explique sans doute la tendance chinoise aux syncrétismes. Il n'y a pas de vérités absolues et éternelles, mais des dosages. Il en résulte en particulier que les contradictions ne sont perçues comme irréductibles, mais plutôt comme des alternatives. Au lieu de termes qui s'excluent, on voit prédominer les oppositions complémentaires qui admettent le plus ou le moins: on passe du Yin au Yang, de l'indifférencié au différencié, par transition insensible. En somme, la pensée chinoise ne procède pas tant de manière linéaire ou dialectique qu'en spirale. Elle cerne son propos, non pas une fois pour toute par un ensemble de définitions, mais en décrivant autour de lui des cercles de plus en plus serrés » [4]. --GingkoBiloba 18 avril 2010 à 11:46 (CEST)

Références[modifier]

  1. Il n'en a pas toujours été ainsi... Ainsi au Siècle des Lumières, Leibniz et Voltaire considèrent Confucius comme l'un des leurs ! Voir « Les tribulations de la « philosophie chinoise » en Chine » par Anne Cheng dans « La pensée en Chine aujourd'hui », Gallimard, Paris, 2007, pp. 159-184. Voir aussi l'article d'Anne Cheng, « La compétition des concepts » pp. 50-53 dans le numéro 20 (juin 2008) de Philosophie Magazine. On peut écouter une conférence de Romain Graziani sur la qualité philosophique de la pensée chinoise ici: [1].
  2. il s'agit de zhexue 哲學 pour la philosophie et de zongjiao 宗教 pour la religion. Voir à ce sujet Anne Cheng, « Histoire de la pensée chinoise », p. 32 ainsi que l'article de Vincent Goossaert, « L'invention des « religions » en Chine moderne » pp. 185-213 dans « La pensée en Chine aujourd'hui » (sous la direction d'Anne Cheng), Gallimard, Paris, 2007.
  3. Voir à ce sujet les ouvrages de Pierre Hadot, « Exercices spirituels et philosophie antique », Albin Michel (2e éd.), Paris, 2002 ainsi que « Qu’est-ce que la philosophie antique ? », Gallimard, Paris, 1995
  4. Anne Cheng, « Histoire de la pensée chinoise », p. 34.