Outil convivial

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Thème Penser

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Simplicité volontaire


Catégorie:Penser


Ivan Illich invente la notion d'outil convivial dans Tools for conviviality (1973) afin de donner des bases à l'avènement d'une société post-industrielle.


La notion d'outil convivial

Le terme d'outil est utilisé ici dans un sens très large, c'est-à-dire tout instrument, objet ou institution mis au service d'une intentionnalité ou comme moyen d'une fin (tournevis, téléviseur, usine de cassoulet, autoroutes, langage, institution scolaire, permis de construire, lois, etc.). Toute action humaine et relation sociale se fait donc par le biais d'outils. Illich montre toutefois que les outils ne sont pas neutres et modèlent les rapports sociaux entre les hommes ainsi que le rapport de l'homme au monde.

Illich distingue ainsi les outils selon leur degré de convivialité. L'outil convivial est maîtrisé par l'homme et lui permet de façonner le monde au gré de son intention, de son imagination et de sa créativité. C'est un outil qui rend autonome et qui rend « capable de se charger de sens en chargeant le monde de signes ». C'est donc un outil avec lequel travailler et non un outil qui travaille à la place de l'homme. À l'inverse l'outil non convivial le domine et le façonne.

Un outil convivial doit donc selon lui répondre à 3 exigences:

  • il doit être générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle
  • il ne doit susciter ni esclave ni maître
  • il doit élargir le rayon d'action personnel

Voici quelques exemples :

  • les outils conviviaux : la bicyclette, le roulement à billes, les moteurs, le téléphone, la force hydraulique, la perceuse, le monte-charge...
  • les outils non conviviaux : l'automobile (qui crée les distances et refaçonne les villes au détriment des piétons et cyclistes), l'école pour tous (qui produit des cancres et la ségrégation qui va avec), nos systèmes de santé (qui industrialisent naissance et mort, et qui engendrent faux espoirs, prolongation de la souffrance, solitude et dégradation du patrimoine génétique), le prêt à intérêt (qui créé l'idée du « manque » de temps), les normes de construction (qui privent les individus de construire leur propre maison)...

Il précise ainsi que la convivialité d'un outil est indépendante de son niveau technologique ou de son niveau de complexité (Illich cite le téléphone comme exemple). Un outil convivial peut de plus être dénaturé par son opérateur ou ses usagers (ex. téléphonie abusive qui nuit aux relations sociales, bibliothèques que l'on enferme dans des universités fermées au public, extraction dentaire que l'on réserve au monopole d'une profession, moteurs conçus pour empêcher l'individu de les réparer...)

D'après lui, les outils deviennent non conviviaux en franchissant certains seuils. Il distingue ainsi un premier seuil qui est franchi quand on prend le moyen pour une fin (par exemple quand une institution en arrive à fixer elle-même ses fins) et que la mesure statistique de l'efficacité devient le seul but (il donne l'exemple de la santé). Un second seuil est franchi quand l'outil industriel censé répondre à des besoins crée de nouveaux maux plus graves que les premiers (notion de « désutilité » marginale).


Une critique de la société industrielle

Selon Illich, « l'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services, mais de la liberté de façonner les objets qui l'entourent, de leur donner forme à son goût, de s'en servir avec et pour les autres ». Une société qui refoule cette convivialité devient selon lui sujette à un sentiment de manque, l'hypertrophie de la productivité ne pouvant parvenir à satisfaire les besoins créés.

Pour Illich, l'homme devient avec l'ère industrielle « l'accessoire de la méga-machine », « un rouage de la bureaucratie », « une matière première que travaille l'outil », les institutions dressant les individus en fonction des objectifs de production. Les produits non conviviaux, ne pouvant être accessibles à tous, génèrent frustration des pauvres et insatisfaction des riches. L'industrialisation généralisée amène par ailleurs à une homogénéisation de tous, au déracinement culturel et à la standardisation des relations personnelles.

Il souligne de plus le paradoxe selon lequel, malgré le niveau atteint et jadis impensable d'habileté à s'outiller, il nous est plus que jamais difficile à imaginer une société simplement outillée et conviviale.

Vers une société post-industrielle

Illich considère qu'une société conviviale serait « incomparablement plus efficace que toutes les sociétés rugueuses du passé, et incomparablement plus autonome que toutes les sociétés programmées du présent » et reconnait qu'« une société où chacun saurait ce qui est assez serait peut-être une société pauvre, elle serait sûrement riche de surprises et libre ».

La transition vers une telle société post-industrielle exige selon lui un triple renoncement: à la surpopulation, à la surabondance et au surpouvoir. La conception des nouveaux outils nécessaires à une libération vis-à-vis des outils non conviviaux qui nous entourent est, elle, conditionnée par un renversement complet des institutions qui régissent l'application des résultats tirés des sciences et des techniques.


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